lundi 27 juin 2011

Gaffe à Google !

C'est grâce à un long cheminement éditorial que cet article vous parvient finalement sous les yeux... A la base, un activiste politique américain du nom de Eli Pariser (patron du site MoveOn.org) écrivait un bouquin intitulé "The Filter Bubble : what the Internet is hiding from you". Sue Halpern écrira ensuite un article dans the New York Review of Books intitulé "Mind control and the internet" : une sorte d'analyse critique de plusieurs parutions éditoriales pour défendre une thèse (cf le titre). Elle y citera longuement Eli Pariser et son bouquin. L'article a été repris en partie par le site français Internet Actu sous le titre "Le risque de l'individualisation de l'Internet" (Xavier de la Porte). Ensuite le même auteur a dupliqué son article sur le site Owni.fr sous le même titre. Enfin, cet article a été twitté sur Twitter via le Community Manager d'Owni (ou un export automatique) et c'est là que j'en ai pris connaissance pour ensuite vous écrire ces mots.

Ouf... Espérons que le "téléphone arabe" n'aie pas trop déformé les propos initiaux d'Eli Pariser au long de de périple numérique.

Et que se dit-il au cours de ce fil éditorial ? Beaucoup de choses assez flippantes en matière de démocratie, d'objectivité journalistique, de manipulation numérique, de respect de la vie privée etc... Mais le petit détail qui m'intéresse ici est le suivant : depuis fin 2009, Google aurait modifié son algorithme complexe servant à classer les sites qui vous sont soumis en résultat de vos recherches.
Pour faire simple disons qu'avant 2009 quand on tapait une requête dans Google celui-ci nous affichait en tête de liste, de manière objective (plus ou moins), les sites les plus à même de répondre à votre requête selon la popularité du site et la qualité du texte affiché dans la page qui vous est proposée en réponse. C'est en fait bien plus précis que ça mais je cherche à simplifier pour ne pas vous perdre dans les détails techniques.
Depuis 2009, Google tend à personnaliser les propositions de sites Web qui vous sont affichées en réponse à vos requêtes, c'est le "Filter Bubble". C'est à dire qu'à force d'utiliser Google (et d'autre sites), celui-ci apprend à vous connaître par rapport à vos saisies et les contenus que vous lisez. Ainsi si vous avez récemment visité de nombreux sites de Jazz et tapé des mots-clés du type "Jazz" ou "Miles Davis" dans Google, le jour ou vous taperez "Musique" dans Google, celui-ci aura plutôt tendance à vous proposer des sites et des artistes de Jazz plutôt que de Rock. Vous me suivez ?

En gros Google n'est plus objectif. Et ça pose de sérieux problèmes déontologiques et démocratiques. L'éthique du Web est remise en cause. En effet le propre d'Internet étant de proposer à tout le monde (enfin tous les connectés) une base de connaissance objective, égalitaire et la plus exhaustive possible, avec ce type de procédés on ne fait qu'augmenter les effets néfastes du communautarisme, du repli sur soi, de l'égocentrisme etc. Ca ne favorise en rien le libre arbitre ou l'ouverture culturelle et politique par exemple. C'est très, très dangereux. On pourrait facilement dériver et en venir à envisager des disparités sociales : chacun pensant détenir la vérité, certains étant bien informés (les mieux éduqués et cultivés), ceux qui saisissent les bons mots-clés, et les autres étant manipulés ou désinformés.

Sue Halpern a d'ailleurs cité un parallèle peut-être un peu rapide mais néanmoins intéressant à étudier avec tout ça en tête : une étude réalisée entre 2001 et 2010 sur la perception médiatique des américains quand au phénomène de changement climatique (le réchauffement de la planète). L'étude démontre en effet qu'en 9 ans, les républicains (en gros la droite américaine pour simplifier) pensant que la planète se réchauffait sont passés de 49 à 29%. Les démocrates (la gauche) eux sont passé de 60 à 70%. Ce sont donc deux visions radicalement opposées (et en développement inverse) de la même théorie pourtant largement médiatisée ces 10 dernières années et appuyée de nombreuses thèses scientifiques très sérieuses.

Nous avons déjà naturellement tendance à nous auto-conforter dans notre bulle sociale, c'est sans doute le propre de l'être humain qui fonctionne en famille, ce phénomène s'amplifiant à mesure que la planète sature démographiquement. Système d'auto-défense. Internet accélère clairement le mouvement en "tribalisant" nos relations sur des communautés en ligne (Facebook, Twitter). C'est donc maintenant au tour de Google (géant du Web) de rentrer dans la danse.
Dès lors, sans pour autant entrer dans une parano compulsive, je pense qu'il devient primordial de savoir se dire qu'Internet n'est pas le puis de science objectif et mondial qu'on s'imagine. Ce n'est pas parce que des milliers de gens partagent une opinion que c'est la bonne ; ou la seule. Il faut continuer à penser par soi-même, recouper les informations avant de les prendre pour argent comptant et surtout, surtout, s'ouvrir aux autres, même les plus lointains.

Est-ce que ça serait vraiment très à contre courant de penser que Google, Facebook, Twitter, Youtube voire Wikipedia, qui sont les poids lourds du Web en matière d'information, devenus maintenant incontournables, tombent dans les mains de lobbies industriels, du divertissement ou de l'information marchande et qui ont intérêt à faire passer les messages qui les intéressent en surfant sur cette impression d'impartialité que véhicule le Web ? De la publicité déguisée, ni plus ni moins : le rêve de tout marketeur. Mon petit doigt me dit que c'est déjà plus ou moins en marche.

En guise de conclusion quant à l'objectivité de Google, je vous invite à jeter un oeil à cet article d'Alexandre Léchenet paru lui aussi sur Owni.fr : "Le futur selon Google". On y apprend ce que répond Google quand on l'interroge sur notre futur. En gros des astéroïdes vont détruire plusieurs fois notre planète (2014, 2019, 2028, 2029, 2036, 2096), les Etats Unis atteindront Mars deux fois (en 2035 et en 2037), la langue française va mourir en 2061 mais il y aura un milliard de francophones en 2069. Enfin, bonne nouvelle, après avoir ressenti plusieurs fois la joie intense de mourir exterminés par un astéroïde, nous seront enfin immortels en 2100.

Alors ? Est-ce que vous croyez toujours Google sur parole ?

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